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Ils·elles font la Friche

Siradji Rachadi – Le chef Yass

17 juillet 2024
© Renaud Morin

La Friche est faite de gens qui la traversent. Cette saison, on vous fait les présentations. Derrière ces visages, découvrez l’histoire de celles et ceux que vous avez sûrement déjà croisé·es.

Ici, les gens vont, viennent et souvent reviennent. Au détour des Manufactures, du restaurant, de la place des quais ou du Champ de Mai, un échange, quelques questions et des bribes d’histoires de ce lieu aux mille vies.

Discuter avec Yass, un vrai régal. Ce jeune chef arrivé des Comores il y a maintenant 16 ans concocte dans les cuisines des Grandes Tables des plats voyageurs et savoureux. Un brin espiègle et le cœur géant, rencontre avec celui qui émoustille bien des papilles.

« Je m’appelle Siradji Rachadi, mais ici à la Friche tout le monde m’appelle Le Yass. Je travaille aux Grandes Tables de la Friche depuis 2013. J’ai tout vécu ici, même le covid !

La première fois que je suis venu à la Friche, j’étais avec mes enfants, fin 2012, puis après il y a eu la capitale européenne de la culture, il y avait des stands au Centre Bourse, j’y suis allé avec mon CV et j’ai rencontré des gens qui recrutaient pour la cuisine, il y avait à ce moment-là beaucoup de mouvement à la Friche et iels cherchaient des gens, c’est comme ça que j’ai rencontré Marie-Jo* pour un entretien aux Grandes Tables.

On m’a d’abord envoyé à la Criée où j’ai travaillé pendant un an. Lorsque la Criée a fermé pour l’été, on m’a envoyé ici à la Friche et je n’en suis jamais reparti !

© Caroline Dutrey


Mon parcours est un peu particulier car je suis arrivé ici avec de faux papiers. Je suis passé par Madagascar, et j’ai atterri à Monaco où j’ai travaillé sans papiers. Je faisais la plonge, puis j’ai été commis, puis plongeur, puis commis… J’ai fini par en avoir marre, alors je suis venu à Marseille où j’ai fait un CAP cuisine.

À la Criée j’ai commencé par être commis-plongeur car nous étions deux, avec le temps je suis devenu second de cuisine à la Friche, et je suis maintenant chef aux Grandes Tables depuis 4 ans.

Quand je suis arrivé en France je ne savais pas du tout cuisiner, car aux Comores, les hommes ne cuisinent pas du tout, ce sont les femmes qui cuisinent beaucoup !

J’ai appris à cuisiner ici, au fil du temps. Et c’est grâce aux Grandes Tables que je me suis vraiment libéré en cuisine. Nous travaillons avec beaucoup de produits frais, locaux, et avec tous les évènements qui passent par ici je me sens très bien, je m’amuse.


La cuisine que je fais ici est multiculturelle, on fait de tout, il n’y a pas vraiment de repère. C’est vraiment de la cuisine du monde. Nous avons une bibliothèque, on prend des livres, on regarde, on s’inspire, on se dit pourquoi pas tenter ça… Nous faisons une cuisine cosmopolitaine, avec plein d’inspirations, mais en y mettant toujours une touche africaine !

Ma touche, ce serait de chercher un peu de piment, mais pas forcément celui qui pique, qui arrache, le piment qui est bon, que tu sens, qui donne de la saveur, car il y a du goût dans le piment, et on va en chercher des différents pour les associer avec chaque plat.


La Friche pour moi c’est un bout du continent à Marseille. Elle a regroupé les 5 continents en un même lieu.

Une fois l’un de mes amis m’appelle des Comores et il me demande « quand est-ce que tu reviens aux Comores ça fait longtemps ! » Je lui ai répondu « pourquoi je reviendrais aux Comores, là où je suis je suis chez moi ! » Quand je viens à la Friche je me sens chez moi. Je peux m’assoir là, je vais avoir un premier ministre qui est là, un artiste à côté, et on se met là toustes ensemble et il n’y a pas de différence. Je porte ma voix ici.

« Quand je viens à la Friche je me sens chez moi. »


Avec les évènements actuels, si je conseillais la Friche, je pourrais peut-être inviter Monsieur Bardella ! Cela pourrait lui faire changer ses idées, lui montrer qu’il y a un endroit où on peut vivre bien toustes ensemble.

Si la Friche était un plat, ce serait le plat du frigo. Comme nous sommes dans un milieu culturel, on travaille beaucoup pour les artistes, et souvent iels ne mangent pas très bien. L’idée ici c’est de leur cuisiner quelque chose rapidement avec ce qu’il y a dans notre frigo, mais qui soit un plaisir à manger, quand on sort d’un spectacle, d’un concert…

Au restaurant, nous travaillons avec une association qui s’appelle des étoiles et des femmes, pour l’insertion des femmes déconnectées du milieu du travail. On collabore aussi avec Pôle emploi pour aider les personnes qui sont au chômage depuis longtemps à trouver un emploi dans le secteur de la restauration.


L’un des projets que j’envisage également est d’ouvrir une école hôtelière aux Comores pour les cuisinières, afin de les former là-bas, qu’elles aient les bases de la cuisine pour venir en France si elles le souhaitent, mais aussi pour développer la restauration et le tourisme aux Comores.

Ce projet est déjà en cours de réflexion avec Marie-Jo et Fabrice*. Je vais aussi bientôt aller aux Comores pour développer une cantine solidaire pour les enfants, car là-bas il n’y a pas de cantine le midi dans les écoles. »

*Marie-Josée Orderner, cofondatrice des Grandes Tables
*Fabrice Lextrait, cofondateur des Grandes Tables

Découvrez le portrait vidéo de Yass !

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