« Quand l’équipe de production de la Friche m’a proposé une carte blanche pour documenter cet Autre été, je lui ai répondu : d’accord, je ne sais pas bien ce qu’il va en sortir mais je vais prendre du temps et traîner, traîner avec les uns et les autres dans les lieux vides ou foisonnants.
Le temps et l’approche lente, graduelle, c’est presque une façon, un mode, un besoin sans doute. Plus encore après ce drôle de fichu printemps, où cloîtrée chez moi comme nous tous·tes, je n’avais rien malaxé vraiment, cotonneuse et sidérée comme je me trouvais.
À l’été j’étais doucement prête pour écouter, échanger, puis aussi documenter, donner et rendre la parole nue et singulière.
Sans saisir encore les contours et l’effet de cet étrange 2020, j’aspirais vite à cueillir et recueillir des témoignages, des impressions, des récits les plus partiaux et personnels.
Ça, ce serait fait – pourquoi, pour qui, on verrait plus tard.
Alors j’ai passé beaucoup de temps, en journée en soirée à la Friche cet été,
dedans, dehors, autour,
j’ai capté des univers innombrables,
avec des résidents, des gens de passage, des techniciens, des médiateurs, du personnel de ménage, de sécurité, des éducateurs,
et puis des films « Belle & Toile », des soirées là-haut, des ateliers ponctuels, des restitutions publiques, des studios radio inventifs, dans les coursives, les escaliers…
il y a eu des échanges approfondis, des rendez-vous ratés, des esquives, des moments furtifs, des moments forts.
Après avoir enregistré, puis toute seule dans mon petit atelier du Couvent juste à côté, réécouté, imaginé, élaboré, défait, rebâti,
j’ai finalement décidé de proposer des portraits sonores.
Il y en a six.
Six qui forment une petite bande, et portent les autres encore dans les placards de l’archive orale,
six qui aujourd’hui en disent long déjà,
et sûrement plus encore dans quelques saisons. »
Katia Kovacic
Octobre 2020