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La Friche vue par

Katia Kovacic – L’Autre été

26 octobre 2020
©Katia Kovacic

« Quand l’équipe de production de la Friche m’a proposé une carte blanche pour documenter cet Autre été, je lui ai répondu : d’accord, je ne sais pas bien ce qu’il va en sortir mais je vais prendre du temps et traîner, traîner avec les uns et les autres dans les lieux vides ou foisonnants.

Le temps et l’approche lente, graduelle, c’est presque une façon, un mode, un besoin sans doute. Plus encore après ce drôle de fichu printemps, où cloîtrée chez moi comme nous tous·tes, je n’avais rien malaxé vraiment, cotonneuse et sidérée comme je me trouvais.
À l’été j’étais doucement prête pour écouter, échanger, puis aussi documenter, donner et rendre la parole nue et singulière.
Sans saisir encore les contours et l’effet de cet étrange 2020, j’aspirais vite à cueillir et recueillir des témoignages, des impressions, des récits les plus partiaux et personnels.
Ça, ce serait fait – pourquoi, pour qui, on verrait plus tard.

Alors j’ai passé beaucoup de temps, en journée en soirée à la Friche cet été,
dedans, dehors, autour,
j’ai capté des univers innombrables,
avec des résidents, des gens de passage, des techniciens, des médiateurs, du personnel de ménage, de sécurité, des éducateurs,
et puis des films « Belle & Toile », des soirées là-haut, des ateliers ponctuels, des restitutions publiques, des studios radio inventifs, dans les coursives, les escaliers…
il y a eu des échanges approfondis, des rendez-vous ratés, des esquives, des moments furtifs, des moments forts.

Après avoir enregistré, puis toute seule dans mon petit atelier du Couvent juste à côté, réécouté, imaginé, élaboré, défait, rebâti,
j’ai finalement décidé de proposer des portraits sonores.
Il y en a six.
Six qui forment une petite bande, et portent les autres encore dans les placards de l’archive orale,
six qui aujourd’hui en disent long déjà,
et sûrement plus encore dans quelques saisons. »

Katia Kovacic
Octobre 2020

Playground lors du confinement en avril 2020 ©DR

L’Autre été #1 : Entrechocs
Avec Sipan Mouradian, comédien et danseur, en résidence avec la compagnie L’Entreprise.
« Il y a des codes tellement loin de la vie d’avant que sur le plateau, on est tout le temps confronté à des blancs, à des gênes, à des silences. Même si nous on veut aller vers l’autre, on ne sait pas si l’autre est prêt à accepter nous notre corps ».

L’Autre été #2 : L’Endroit de la résistance
Avec Jean-François Comminges, cinéaste, résident à la Friche.
« On peut considérer que nos activités seront bouleversées à vie mais le monde ne nous a pas attendu sur ce coup-là parce que c’est un effet d’accélération dans le mauvais sens du terme plus qu’un effet de suspens ».

L’Autre été #3 : C’est pas une vie
Avec Zineb, habitante du quartier Belle de mai.
« Après le confinement, j’avais pas l’envie de sortir, c’est pas la peur, c’était… je sais pas, j’avais pas l’envie de sortir. Si on doit vivre avec ce virus toute notre vie, c’est pas une vie, c’est pas une vie ».

Les mots de Gérard Paris-Clavel ©Caroline Dutrey

L’Autre été #4 : J’essaye
Avec Magda, jeune fille de 23 ans qui aime le toit-terrasse de la Friche.
« J’essaye de relativiser et de me dire qu’il y aura forcément des bonnes choses qui arrivent mais avec un virus qui chamboule les relations humaines, j’ai du mal à avoir une opinion positive sur le futur mais j’essaye ».

L’Autre été #5 : Dans mon garage
Avec Pakito Bolino du collectif Le Dernier cri, résident à la Friche.
« Le monde d’après c’est le même que celui d’avant. Ce qui change c’est que je trouve que de partout il y a un dysfonctionnement dans la société qui s’accentue, ça va pas en s’arrangeant ».

L’Autre été #6 : Attentif à des signaux faibles
Avec Joris Stern-Alibert, médiateur à la Friche.
« Je me suis mis comme gage d’éviter de fonctionner dans l’urgence. On a de l’argent public qui sert à décloisonner tant qu’on peut sans se faire d’illusion sur le fait que des cloisons, y’en a des tonnes ».

Les mots de Gérard Paris-Clavel ©Caroline Dutrey

Katia Kovacic est documentariste son. Elle inscrit son travail dans une rencontre entre la parole personnelle, intime et le politique, le sociétal. Une démarche qui a pris naissance dans des projets divers avec des structures de collectes orales (Centre de l’oralité alpine du CD05, Approches cultures et territoires, Histoire et patrimoine seynois), des musées (musée dauphinois de Grenoble, musée d’histoire de Marseille), es résidences (à l’école nationale de l’administration – ÉNAP – à Agen, Borderscapes en Italie du Nord, Communauté de communes de Flandre intérieure) ou des festivals (Longueurs d’ondes à Brest, Images de justice à Rennes). Elle mène aussi des ateliers radio auprès de publics très divers (quartier Belle de mai dans des projets politique de la ville, à l’établissement pénitentiaire pour mineurs à la Valentine, ou dans les médiathèques avec Lecture par nature). Par ailleurs, Katia Kovacic participe à L’orage, une association dont la vocation est de promouvoir le documentaire sonore. Créée en 2010, cette association accompagne les documentaristes sonores dans la production et la diffusion de leurs oeuvres, afin d’élargir le public au-delà des seuls initiés.
Diplômée du master de documentaire de création « Créadoc » d’Angoulême.

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