CosOfYou, une journée sur l’engagement des jeunes entre France et Italie
Par Lorenzo Caglioni, sociologue
8 août 2023
Le projet a atteint sa dernière étape le 15 juin dernier avec une journée de rencontre et de partage à la Friche sous le signe d’une réflexion collective autour de la notion de « parcours » d’usager·ère à professionnel·les de la médiation.
Inscrit dans le programme Erasmus+, CosOfYou est un parcours d’échange entre professionnel·les de la médiation culturelle et de l’éducation entre la Friche et le Cinema Vekkio à Corneliano d’Alba – centre culturel et d’agrégation situé dans la campagne piémontaise en Italie.
Mais que peut avoir en commun un grand centre culturel urbain avec un lieu associatif de la campagne piémontaise ?
La réponse réside dans une liste de 11 mots-clés : Europe, démocratie, communauté, soin, espace, public, atelier, expérimentation, mouvement, art et territoire.
« Ce sont les mots qui nous unissent et qui peuvent créer de nouveaux développements. Un manifeste pour nous et pour d’autres centres culturels », explique Alberto, éducateur de Cinema Vekkio, présentant les résultats du projet lors de cette journée de clôture à la Friche. Grâce au projet CosOfYou, La Friche et l’AMI à Marseille ainsi que Cinema Vekkio en Italie ont pu profiter de cette opportunité pour se mettre en jeu – mais aussi en question – et apprendre les un·es des autres lors de trois moments de rencontre. Le premier a eu lieu en mars à la Friche, où les éducateurs de Corneliano d’Alba ont apporté leur contribution par une activité d’enquête destinée aux jeunes sur leurs vécus et leurs désirs par rapport à la Friche. Le second a été accueilli en avril dans les espaces de Cinema Vekkio, où la Friche a proposé un atelier manuel pour repenser ensemble son espace et un moment d’animation artistique avec les enfants dans l’un des territoires d’action de l’équipe éducative. L’événement final du 15 juin à la Friche a été l’occasion pour revoir ensemble le parcours réalisé et mettre en commun ce qui a été appris et partagé.
D’usager à acteur : donner la parole aux jeunes
Il a justement été décidé de mettre les jeunes au centre de cette journée en tant qu’acteur·ices du changement et sujets actifs qui peuvent et doivent être au cœur de l’action culturelle ou sociale. Les partenaires leur ont donné la parole pour raconter les expériences qui ont marqué leur passage d’usager·ère à acteur·ice engagé·e personnellement.
De ces échanges, ressortent tout d’abord les différences entre les deux contextes qui s’ancrent sur des nuances linguistiques qui distinguent des approches professionnelles différentes. Si dans le contexte de la Friche on a plus souvent recours au mot « médiation », dans celui de Cinema Vekkio Claudio et Alberto sont au contraire reconnus comme « éducateurs ». Du point de vue du territoire d’action, pour les médiatrices de la Friche, habituées à agir dans un grand et complexe quartier de Marseille, il était inhabituel mais surprenant de se mettre à la place des opératrices et opérateurs de la campagne piémontaise, qui sont basés dans un village de 3000 habitants : « Au début, j’avais du mal à comprendre comment vous travailliez », raconte Lisa, chargée des relations au territoire à la Friche, «mais il était intéressant de me déplacer et de regarder les choses sous un autre angle, même dans un contexte complètement différent.»
L’aspect qui ressort le plus pour les personnes qui travaillent à la Friche est la découverte de styles de relation orientés vers la proximité, la convivialité et la consolidation d’un sens de la communauté – aspects qui caractérisent l’action de Cinema Vekkio et que le président Giorgio aime appeler des « relations chaleureuses ». Pour les éducateurs de Cinema Vekkio, le projet a été l’occasion d’entrer en contact avec une organisation plus complexe, avec divers acteurs impliqués et une structure polyvalente, riche de différents professionnels et où « il y a une grande attention et compétence par rapport aux thèmes de l’art et de la culture », comme le souligne Claudio, éducateur de Cinema Vekkio.
De la communauté à l‘individu engagé : exemples et échanges
L’après-midi a été consacré à un temps d’échange représentatif des acteurs du territoire (BSM, Familles en Action, Urban Prod) sur le thème du « passage de l’usager·ère au praticien·ne de la culture ». La participation, d’une part, des professionnel·les qui s’occupent de la jeunesse et, d’autre part, des jeunes impliqué·es au sein des différentes structures a permis de recueillir des expériences et de donner une voix à ceux et celles qui sont capables et responsables d’apporter des nouveautés au sein de ces organisations.
Des témoignages des jeunes italien·nes et français·es, il ressort que le désir de s’engager au sein de l’organisation découle souvent d’un sentiment d’appartenance à la communauté ou au territoire, mais surtout de la reconnaissance envers certaines figures éducatives qui ont constitué un exemple positif ou ont fait grandir le désir de se sentir impliqué. C’est le cas par exemple d’Oussam, habitant de la Belle de Mai et animateur de Familles en Action depuis des années : « J’ai grandi dans le 3ème arrondissement, où l’accès à la culture n’est pas une priorité et où l’accent est souvent mis sur le sport, le football, la boxe”. Il est donc sorti de sa zone de confort grâce à certaines propositions comme “le théâtre, le cinéma, la musique, les voyages et la découverte, qui permet de sortir des clichés et d’aller plus loin. »
Au Cinéma Vekkio, un sentiment de gratitude issu d’une atmosphère de réciprocité a poussé le jeune Biga à vouloir rejoindre l’équipe éducative : « Ici, tu donnes et ensuite tu essaies de rendre ce qu’ils t’ont donné. » et sa collègue Francesca confirme cela dans les termes d’un échange générationnel où elle explique son passage d’usager à participante : : « ce que j’ai reçu quand j’étais enfant, je veux le rendre et le transmettre aux jeunes, afin qu’ils/elles puissent aussi en bénéficier. »
« Être prêt·es à être amené·es dans des directions inattendues. »
Réciprocité et circularité sont deux mots qui reviennent souvent dans cette table ronde, tant en français qu’en italien, et qui sont partagés même par les figures éducatives les plus expertes, dont Awa Isoa de l’ AMI, rappeur et animateur de l’atelier de rap de la Friche : « Sans les ateliers, je ne serais presque plus en contact avec ce qui se passe actuellement. Je transmets aux jeunes ce que je sais ; et ils me tiennent au courant des nouveautés. » De cette façon, on entre dans une logique circulaire différente, basée sur l’écoute mutuelle et moins hiérarchique. Il s’agit d’une attitude qui part de la capacité des professionnel·les à se laisser surprendre : « Il ne faut pas avoir trop d’attentes et il faut aussi accepter que les jeunes ne veuillent pas être impliqués, ou être prêt·es à être amené·es dans des directions inattendues. » Thomas, BSM. Cet esprit peut d’ailleurs créer les conditions pour qu’il y ait de la place pour les plus jeunes, même dans une perspective de professionnalisation.
Quelles sont les circonstances qui ont permis une inclusion professionnelle aux jeunes ?
Dans ces parcours des barrières sont à prendre en compte : d’abord celles linguistiques, que les adultes érigent parfois en croyant connaître les contenus les plus adaptés aux jeunes, mais aussi physiques ou symboliques des espaces dans lesquels nous travaillons parfois accrues par d’éventuels préjugés. Parmi les exemples de réussite on retient surtout des rencontres significatives avec des adultes et des professionnel·es, d’expériences de bénévolat, d’opportunités de stages ou de service civique, mais aussi d’occasions d’ouverture à d’autre contextes et de connaissance mutuelle, précisément comme ce projet européen qui a permis à des personnes d’horizons différents d’échanger des idées et des pratiques en vue d’apprendre les un·es des autres.
Deux villes du sud, deux capitales du hip-hop, deux territoires en prise à des enjeux urbains très forts, qui depuis 2022 échangent par le biais de voyages respectifs d’artistes, d’associations et de porteurs de projets culturels. Dialogue entre David Ruffel attaché culturel et directeur de la Villa Albertine à Atlanta, et Alban Corbier-Labasse, directeur de la Friche la Belle de Mai, dans le cadre du projet City/Cité.
Kebbi Williams et Élodie Le Breut se sont rencontré·es dans le cadre du programme City/Cité porté par la Villa Albertine d’Atlanta et par la Friche la Belle de Mai. Ensemble, iels tentent d’imaginer comment déployer une musique populaire, multi-culturelle, et ancrée dans les communautés qui la font vivre, que ce soit à Marseille ou à Atlanta.
En 2022, le programme City cité arrive pour la première fois à Atlanta avec des discussions et une programmation artistique qui mettent en lumière les connexions en matière de culture, de développement urbain et de société entre Atlanta et Marseille.