Enquête et débat sur les mots qui parlent des maux d’aujourd’hui pour les masquer ou les traquer mais aussi des mots qui ne se contentent pas de décrire (plus ou moins justement) le monde mais veulent le façonner. Le langage est aussi performatif.
A propos de cette décennie qu’il qualifie de cauchemardesque, François Cusset a analysé la progressive dissémination d’un vocabulaire politiquement correct pour désigner des situations socialement problématique : le SDF remplace le clochard, les femmes de ménage se transforment en techniciennes de surface et les ouvriers disparaissent du vocabulaire du parti socialiste (Cusset, 2008). Puis, pour la décennie quatre-vingt-dix, Boltanski et Chiapello (1999 : 93-153) ont étudié la propagation du vocabulaire du management dans les modes de pensée de l’urbanisme, de la culture (« la cité par projet ») et plus largement dans les manières de parler de nos intimités.
Il suffit aujourd’hui de considérer la manière dont le mot « projet » s’est infiltré dans nos vies, pour prendre la mesure de la pertinence de leurs analyses. Avant eux, Félix Guattari avait critiqué la multiplication des mots d’ordre positivistes dont la fonction est de réenchanter le monde alors même que s’accroissent les « processus de prolétarisation » (Lazzarato, 2014 : 58) qui génèrent un « laminage de la subjectivité »1. A ces processus de dépossession, les tenants de l’ordre libéral opposent des mots d’ordre positifs comme la « réappropriation de l’espace public »2. D’autres auteurs comme Roland Gori (2013), François Richard (2011) et Eric Chauvier (2014) situent dans la crise du langage l’une des sources de la crise de civilisation contemporaine.
Plus récemment, après les attentats de janvier 2015, la perte de sens du vocabulaire politique utilisé par les acteurs du monde politique est pointée par Patrick Boucheron comme l’un des signes du malaise culturel contemporain3.
Pensons le matin s’arrêtera sur les mots souvent usités par les politiques, les journalistes, les militants et parfois par les gens ordinaires pour parler (comprendre et agir) l’urbain, l’espace public, la structure sociale et spatiale de la ville et surtout les politiques urbaines (Biaggi et Bernasconi disent qu’elles veulent faire Soho ou Broadway en haut de la Canebière et Bluzet parle de Quartier Latin ).
A la fin, un jeu est proposé : élire le mot de l’année !
Intervenants
En introduction, Christophe Apprill (Sociologue EHESS) resituera l’histoire récente du langage politique. Puis Bernard Organini (sociologue IRTS) proposera quelques réflexions sur les termes mixité sociale et/ou diversité culturelle – gentrification et /ou bobo (ïsation) etc. Présence du linguiste Médéric Gasquet-Cyrus (Université d’Aix en Provence) a confirmer confirmée.